Je couds mon pantalon : la méthode Top Down Center Out

Patron | Barbara, République du Chiffon & Sorell, Pauline Alice
Taille | 40 à 48, détail dans l’article
Matériel | Lin lavé Sable Cousette, doublure Tyl Tissus

L’un des projets de phare de mon été – en tout cas que j’avais particulièrement envie de réaliser – était un tailleur pantalon. J’ai commandé mes 4m de tissu dès avril et après … il y a eu un petit temps de latence, puisque j’ai décidé de m’y mettre début septembre.

En effet, l’été brestois dont nous avons été gratifié invitait plus à porter des pulls que des vestes en lin et j’avais consacré mon début d’été à la couture de mes projets boulets de 2021 (Ma veste Moderne ou ma combi Jazz par exemple) ainsi que des tenues pour les différents mariages auxquels je devais assister en août. Bref, toutes mes idées avaient eu le temps de bien macérer, j’avais vu plein de look d’inspi, j’étais prête comme jamais.

L A – V E S T E

J’ai choisi la patron Barbara de République du Chiffon. C’est un modèle que j’avais déjà réalisé à deux reprises, version hiver en lainage et été en lin-viscose, vous trouverez ci-dessous les liens versions les articles.

Barbara, version hiver

Hi, Barbie !

Vous avez pu suivre tout mon processus couture dans ces deux vidéos … Je vais donc essayer d’être brève avant de passer au pantalon !

• Tissu

Je pense que le lin lavé est une meilleure option car il est tout de même moins mou et a plus de tenue, sans pour autant être beaucoup plus épais.

Je l’ai doublé avec un coton très fin et légèrement satinée : s’agissant d’une veste d’été j’ai préféré oublier la doublure en synthétique – même au niveau des manches – synonyme pour moi de transpiration excessive et accessoirement de mauvaises odeurs (ce n’est pas forcement justifié mais je limite le synthétique au méga max de manière générale). Franchement il est top, même avec des manches en dessous, au point que je l’ai racheté pour doubler d’autres projets.

• Ajustements

Par rapport à mes précédentes versions, j’ai fait une modification sur les épaules : j’avais fait un ajustement carrure étroite mais je trouvais qu’il était trop marqué (en particulier sur la version hiver). Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire, mais je trouvais que ça faisait carrément une pente sur la ligne d’épaule ? En général il est préconisé de ne pas dépasser 1-2cm de réduction afin de ne pas altérer le patron mais je crois que j’étais plus proche des 3cm … J’ai divisé par 2 avec la crainte que l’épaule ne tombe pas parfaitement : c’est le cas, mais je ne trouve pas que ça soit problématique compte tenu du tissu. J’aurais pu mettre des épaulettes pour contrebalancer, mais après avoir essayé je n’aimais pas le rendu, ça cassait le côté décontracté de la veste.

Autre point d’amélioration : les poches ! Comme je les trouves jolies, j’ai voulu faire des poches passepoilées … mais pour en avoir fait également sur ma veste en lin lavé, ça a assez mal vieilli car le tissu s’avachit et gondole, laissant la poche plus ou moins ouverte en permanence. J’ai donc pris le parti de faire des fausses poches (= qui donnent dans la doublure) et de les coudre.

L E – P A N T A L O N

Si vous voulez me voir me casser la tête pendant 40 minutes sur ce fameux pantalon, c’est en vidéo … pour la version « courte », on se retrouve en dessous 😉

L’idée de base c’était d’avoir un pantalon large. Je n’en ai pas porté pendant longtemps parce que je trouvais que c’était souvent grossissant et que je n’avais pas vraiment besoin de ça. Finalement l’hiver dernier, suite à mon changement de travail (moins de chantier, plus formel) j’ai commencé à chercher des pantalons qui ne soient pas des jeans. Après moult essayages, j’ai fini par acheter 3 fois le même modèle de pantalon large (noir, beige, gris à carreaux) et j’avoue que je l’adore et je le porte avec plaisir. Mon blocage psychologique était levé : j’en voulais un pour l’été.

J’étais donc partie à l’original du patron Reig de Pauline Alice (offert), sorti l’hiver dernier mais je ne n’avais jamais cousu. J’ai découpé directement le patron en 44 – erreur fatale, vous vous en doutez – puisqu’il me manquait pas loin de 10cm pour que ça ferme correctement au niveau du ventre.

Assez rapidement (et oui, je voulais emmener l’ensemble en Grèce ou je partais en vacances 2 semaines plus tard) j’ai décidé de me rabattre sur le patron Sorell (de la même créatrice) car c’était le seul patron que j’avais en stock de ce style. C’est un pantalon que j’avais déjà cousu en 2015, et déjà à l’époque je nourrissais pas mal de complexe sur ce style de pantalon vis-à-vis de ma morphologie (inutile de dire que les choses ne se sont pas arrangées entre temps). A la base, le patron comporte beaucoup de détail mais mon but étant un résultat minimaliste, j’ai décidé de supprimer les poches arrière et poche montre devant (et puis on gagne du temps et on a pas la marque des fonds de poche sur les fesses).

Bref, j’ai fait une deuxième toile et c’était toujours trop petit.

Mon temps étant compté, j’ai hésité sur la meilleure décision à prendre, entre deux stories Insta ou je vous postais mes déboires : abandonner et attendre l’été prochain ? Tenter la taille au-dessus ?

• Ajustements

L’une d’entre vous – ainsi que Pauline – m’avez également conseillé une méthode d’ajustement dont je n’avais jamais entendu parlé : Top Down Center Out (TDCO). Il y a une série d’une dizaine de vidéos (en anglais) qui la détaille, et j’ai commencé à regarder les premières pour me faire une idée du principe.

Je pense que j’ai adhéré au concept au moment où j’ai compris pourquoi, malgré mes prises de mesures exactes taille/hanches, c’était toujours trop petit. Je sais que j’ai du ventre, rien de nouveau sous le soleil, mais la manière dont j’aurais dû prendre mon tour de hanche pour l’intégrer … ça a été une quasi révélation : je n’y avais jamais pensé.

En fait au niveau du tour de hanche, il faut intégrer le ventre, comme sur la photo de droite. Sinon le coquin n’est pas pris en compte : tour de taille on est au dessus, tour de hanches on est en dessous. Franchement, je m’en veux de ne jamais y avoir penser avant … en même temps je couds rarement des pantalons car ça ne va jamais, et on se demande pourquoi ! Ce qui fait que pour moi, au lieu de mon 42-44 habituel en jeans, je me suis retrouvée à faire du 48 !

Le principe est plutôt simple : tout est dans le nom, c’est a dire qu’on ajuste du haut vers le bas puis du centre vers les côtés.

On commence par le premier élément, la ceinture, qu’on ajuste pile sur soi – attention dans l’idée il faut l’ajuster comme elle est censée tomber sur le modèle, il est bon d’avoir des photos du pantalon porté sous le nez quand vous faites ça – ici c’était plutôt facile car c’est une taille haute ajustée, je n’avais donc qu’à la faire coller avec ma taille naturelle.

Ensuite on a une jambe (et oui, une seule !) dont on coud l’intérieur et seulement le bas de l’extérieur. Le but est ensuite d’aligner le milieu devant et dos (le bord intérieur de la jambe, donc) avec le centre devant et dos de la ceinture. En montant, descendant et inclinant la jambe du pantalon on se rend compte qu’on crée ou fait disparaitre des plis à des endroits divers et variés (= on joue avec la hauteur de fourche), j’ai trouvé ça assez magique … mais aussi difficile, car il faut veiller à ce que le bas du pantalon reste bien parallèle au sol, ce qui n’est pas toujours facile à voir. Une fois trouvé une position satisfaisante, on épingle en place et on peut alors fermer le côté extérieur de la même manière et l’épingler à la ceinture.

Là ça parait simple, mais dans les faits, il y a de nombreuses itérations, ne serait ce que parce que une fois les côtés épinglés , cela change la fourche, et des plis apparaissent. Il y a donc un jeu d’essais/erreurs qui peut être plus ou moins long avant de trouver un réglage qui convienne. Ajouter à cela la difficulté de voir ce qui se passe dans le dos … Pour ma part j’étais persuadée d’avoir trouvé un ajustement parfait avant de me rendre compte que ma fourche était 5cm sous mon entre-jambe : c’était carrément un baggy des années 2000 !

Viens ensuite la couture de cette jambe et de la ceinture pour un essai « définitif », puis on reporte les nouvelles coutures et marges sur le patron. C’est l’heure de passer au « vrai » pantalon. Mais si je pouvais donner un conseil à mon moi du passé ça serait de faire une ultime toile maintenant, avec les deux jambes et la ceinture « ajustés » !

En effet, j’ai foncé bille en tête, fière de moi et mes ajustements et ce n’est que avec mes pièces découpées (et cousues, y compris la braguette) que je me suis rendue compte qu‘il y avait un gros décalage entre mon tour de taille pantalon et mon tour de taille ceinture, genre +15cm ? J’ai d’abord cru a une erreur de décalquage, mais non, le problème était là à la base, seulement, ce n’était pas forcement facile de s’en rendre compte : même au moment ou on coud notre jambe test, il est difficile de tout désépingler sans perdre l’ajustement et on a beaucoup de marge sur les côtés (entre 7 et 10cm !!). Je pense que j’ai 3-4cm par côté qui on du se rajouter à ce moment là, en ne parvenant pas bien à coller ma jambe à la ceinture. Ensuite, le lin se détend alors que la ceinture est entoilée … et pour finir je me suis vautrée sur les dimensions de la dite ceinture. Bon gré, mal gré j’ai réussi à faire en sorte que la ceinture colle (avec 0.5 de marges au lieu de 2cm) mais pour essayer de ramener le pantalon à ces dimensions, ça a été difficile, surtout avec des poches italiennes : elles ont quasi disparu.

Au final il n’y a pas de pli – ce qui était l’objectif de base – mais j’ai l’impression d’avoir ajusté dans le vent, puisque j’ai du ratiboiser les côtés (-6cm de chaque côtés au niveau de la ceinture) et passer un fil de fronce pour que ça colle. Je trouve aussi que l’entrejambe est un peu bas. En fait je suis convaincue que la méthode est bonne mais que mon exécution ici est mauvaise. J’aurais probablement du y passer un peu plus de temps, faire une vraie toile à la fin (mais comprenez moi : j’en avais déjà fait 3 !) et je pense qu’il y a aussi un coup de main (et d’œil) à prendre pour se rendre compte de ce qui est bien ou pas, recto/verso. Je dirais même que l’idéal ça serait que quelqu’un d’autre le fasse sur vous. Pour autant maintenant que je m’y suis frottée j’ai assez envie de retenter l’expérience mais sur un projet sans enjeu de planning, et peut être aussi un peu plus simple (pinces au dos et rien devant par exemple).

Ne parlons pas de mon ourlet beaucoup trop longs et de l’effet fesses plates s’il vous plait !

L E – R E N D U – F I N A L

Mitigée je suis. En fait, vu le temps passé sur ce projet, je suis un peu déçue du rendu.

Enfin, si, la veste est une valeur sûre, je n’ai rien à dire dessus, si ce n’est que c’est la meilleure des 3 versions que j’ai produites, et de loin : le col ne rebique pas, les poches ne s’affaissent pas. J’ai réussi à corriger tout ce qui m’irritait sur mes premières versions.

Pour le pantalon en revanche, je le trouve un peu grand et pas forcément flatteur. Je n’ai pas le physique de mes photos d’inspiration et si en hiver je porte mes pantalons larges avec des hauts/pull plutôt près du corps (ça contrebalance et on voit que j’ai une taille), je n’ai pas d’équivalent été. Il faudrait que je trouve des tee-shirts manches courtes assez « moulants » pour ne pas ressembler à un tonneau.

A côté de ça, je ne suis pas certaine que suffise à rétablir l’équilibre entre une veste large et un pantalon large. Au printemps prochain je suis bien décidée à reprendre mon ourlet 😉 et réétudier la question, essayer avec d’autres hauts, quitte pourquoi pas à reprendre le pantalon … ou en refaire un autre.